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BOURDON NIPPON

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La moto rend philosophe - Motorbike is more than a vehicule


MOTO : De la prévention routière

Publié par Guido sur 27 Juin 2022, 15:26pm

Catégories : #Opinion - Humeur

MOTO : De la prévention routière

  Les chiffres de la Sécurité routière viennent d’être diffusés dans les médias. Radios, journaux et chaînes de télévision relayent avec effroi les statistiques mortifères dans une sempiternelle litanie racoleuse. A bien y regarder, le nombre d'accidents mortels s’est accru pour la jeunesse et – nouveauté – pour les cyclistes. Désormais, le changement global tue dans nos rues. Ses victimes ? Des travailleurs pressés qui pédalent sans tenir compte des autres tandis que les autres conduisent sans les prendre en considération. Rien de neuf sous ce soleil toujours plus intense. Une exception est toutefois passée sous silence : la réduction pluriannuelle de la mortalité motarde. Toujours aussi exposés au couperet, les pratiquants du guidon glissent moins jusqu'à la fosse commune. Mais est-ce une tendance de fond (de caveau) ?

   Comment expliquer la récente réduction du nombre de motards tués en France ? Cette question exige une prudente réflexion car les paramètres à étudier sont nombreux. Les causalités s’entremêlent parfois sur plusieurs décennies. Ainsi, la pandémie de la Covid19 a limité la pratique motocycliste ; l'accidentologie s'est donc réduite en raison des restrictions de déplacement.

  Il est indispensable de garder à l’esprit que la moto est avant tout un véhicule facilitateur de déplacement ou un engin de loisir pour la majorité des motards de France, pays développé doté d’une puissante industrie automobile et traversé par un réseau routier d’excellente qualité. Avec la crise sanitaire, les motos ont été remisées au garage car leurs propriétaires sont restés à domicile pour télétravailler ou pire, endurer le chômage. Les amateurs de modèles millésimés se sont abstenus d’acheter une nouveauté ou attendent encore leur monture toujours en cours de montage la faute au manque de pièces détachées.

  Les occasions, quant à elles, connaissent des destins variés. Les modèles plombés par la vignette Crit’Air sont mal en point, à part aux yeux des collectionneurs. Les engins utilitaires sans fard ne trouvent pas d’acquéreurs tandis que les bécanes racées voient leur tarif s’envoler en situation de pénurie.

   La réduction des morts casqués provient aussi du changement de mode de déplacement du fait de l’augmentation du prix du carburant et – ô souhait utopique ! – de la prise de conscience du changement global. Le co-voiturage et le vélo ont donc pris de l’ampleur. Malheureusement, les motards ont simplement changé de colonne statistique... Privés de liberté de circulation, d'autres motards ont choisi l’évasion en pleine nature, dans les chemins de travers. Ainsi, la demande des machines de tout-terrain a bondi.

   Au final, les Français ont moins enfourché leur moto ou ont quitté la route dans les dernières années. Les statistiques s'en sont trouvées allégées. Toutefois, à ces causes conjoncturelles, il faut associer d'autres raisons qui ont conduit à la baisse tendancielle des victimes de la circulation routière. Le vieillissement de l’âge moyen du motard hexagonal a pu conduire dans une certaine mesure à la sagesse (avant l’incompétence). La montée graduelle en puissance des néophytes assurée par la mise en œuvre du permis A2 a soutenu la tendance. La répression accrue de la vitesse et l’inflation du prix des nouveautés causée par le « tout-électronique » ont pu en décourager certains. Nous aurions pu ajouter l'effet salutaire des actions de prévention routière mais dans ce dernier cas ; le doute s'invite.

   Ainsi, nous avons récemment assisté à une journée Trajectoires organisée avec talent par l'association des motards citoyens du Gard (AMC 30) pour le compte des services de l'Etat. La préfecture livre une organisation clé en main. La matinée est réservée à l'information et à la formation théorique de la prise de virage. L'après-midi est dédiée à la mise en pratique sur le réseau routier environnant. Un motard de la gendarmerie prend alors la tête d'un petit groupe de pratiquants afin de guider leur apprentissage in situ.

   Les ateliers du matin sont consacrés à la sensibilisation des motards volontaires en matière de consommation d'alcool et de stupéfiants. Les équipements moto de sécurité sont présentés aux groupes. Un camion parqué en cassure permet de découvrir les angles morts depuis le siège d'un chauffeur poids lourd. Le stand dit de la « moto mystère » est l'occasion de chercher les neuf erreurs d'entretien d'une moto sur le point de prendre la route. Des gendarmes, vidéo à l'appui, font découvrir l'art de prendre les virages en toute sécurité. Ces activités sont jugées intéressantes par les motards venus se recycler avant la belle saison.

   Le hic est qu'elles ne correspondent pas vraiment à l'accidentologie deux roues du département du Gard ! D'après l'étude pluriannuelle que nous avons menée en dépouillant les articles de la presse locale, les accidents de moto sont surtout causés par des pertes de contrôle au sens large (essai d'une moto inconnue, stunt improvisé, virage raté...) et des collisions entre auto et moto. Aucun fait divers rapporté par les médias ne fait état d'une collision avec un poids lourd en pleine manœuvre ou de la chute d'un motard alcoolisé. Le corpus journalistique pouvant prêté à discussion, nous nous sommes rapprochés du représentant départemental de la sécurité routière qui a confirmé le bilan de notre étude en soulignant le sous-traitement des accidents sans victime par les journaux.

    En fait, le décalage entre accidentologie locale et actions de prévention semble provenir de l'information biaisée des services de l'Etat et à l'utilisation de l'analyse nationale dans la définition de l'action départementale.

   La construction des statistiques publiques semble lacunaire car les services préfectoraux utiliseraient un prologiciel peu discriminant plaçant sur le même plan un piéton terrassé par une crise cardiaque sur un passage clouté et un automobiliste blessé par sa rencontre fulgurante avec un platane. De plus, sur le lieu de l'accident, les forces de l'ordre et les secours cherchent en priorité à sauver les victimes tout en sécurisant les lieux afin d'éviter le sur-accident. Elles collectent également les éléments indispensables au volet judiciaire de la situation. Il n'y a donc ni temps ni circonstance pour compléter une procédure détaillée capable d'évaluer la compétence du motard ou l'état de la chaussée au moment de l'accident.

   De plus, il ne semble pas qu'il y ait de recoupement d'information entre les services publics concernés. L'environnement routier est inconnu : météo ? Forme du tracé ? Les informations médicales ne sont pas non plus invoquées : quid de l'équipement du motard ? De l'évaluation de la vitesse de chute ?

   Une autre incohérence se fait jour : l'âge des motards qui s'inscrivent de leur plein gré à la formation de sécurité routière proposée par l'AMC30. Ces usagers sont pour la plupart des trentenaires et des quadragénaires. Il y a aussi des gros rouleurs de plus de 60 ans parfois de la génération d'Agostini ! Seulement, la mort fauche principalement de jeunes motards âgés de moins de 26 ans et des sexagénaires dans le Gard. La population cible échappe ainsi aux actions de formation.

    Nous estimons que la cohérence entre information et formation est indispensable à l'accompagnement efficace des motards français. Il s'agit non seulement de livrer les indications les plus pertinentes aux usagers afin de les prévenir des risques mais aussi de former les motards les plus exposés. Cela nécessiterait un accompagnement dans la longue durée.

   En réalité, le dilemme est encore complexe. En effet, comment assurer la formation continue des pratiquants d'une activité dangereuse par définition ? La conduite moto expose directement le corps. La prise de risque est inhérente à l'activité. Pour certains, le risque est même directement associé au plaisir. Il est tout de même troublant de constater qu'aujourd'hui, la méthode de prévention utilisée est darwinienne. Nous avons eu la désagréable impression que les services de l'Etat s'en remettent au temps dans la sélection naturelle du sapiens sapiens motocycliste. Ne dit-on pas qu'un bon motard est un vieux motard ?

   Nous pensons que la formation du motard français est à repenser. L'analyse de l'accidentologie doit privilégier l'échelle locale. Elle devrait reposer sur des comptes-rendus adaptés à la spécificité motocycliste. Les concepteurs des activités préventives pourraient prendre en compte les services de l'équipement, de l'hôpital et les associations d'usagers y compris des blessés de la trajectoire. Enfin, cette formation doit être continue et obligatoire.

   Le volet psychologique de cette formation pourrait être développé car il est question de comportement individuel dans un espace public partagé. Le recours à la psychologie de groupe paraît indispensable car l'émulation entre motards surnommée « la bourre » supprime chaque année tout un tas de copains qui s'entretuent en s'empilant. L'autocritique, le travail sur soi et l'introspection devraient être associés à l'obtention du permis de conduire A comme B. En aviation, les pilotes passent des visites médicales de contrôle afin de s'assurer de leur aptitude physique. Le tonus musculaire et l'acuité visuelle sont indispensables à la conduite d'une bécane. Ce n'est jamais vérifié. Les pilotes d'avion se recyclent par obligation afin de conserver leur licence de vol. Et pourquoi pas les autres usagers ? Nous croyons que la moto devrait s'en inspirer afin de décourager préventivement les candidats à la sortie de route. De même, l'installation prochaine d'une boîte noire sur les motos pourrait limiter les écarts comportementaux. L'enregistrement des paramètres dans les minutes qui précèdent l'accident aiderait à mieux comprendre les causes du drame tout en refroidissant les ardeurs des têtes brûlées. La baisse espérée des tarifs de roulage sur piste soutiendrait sans doute la formation des fondus de la poignée.

   La moto est aujourd'hui en liberté conditionnelle, dans le collimateur de l'Etat dont la mission est de protéger les usagers d'eux-mêmes afin de les conserver en vie au service de la collectivité et non à la charge de celle-ci. La prédominance de l'intérêt général est parfois vécue comme une atteinte à la liberté et au bonheur individuels. L'acceptation du risque s'est réduite dans notre société vieillissante et procédurière. La moto y a-t-elle encore sa place ? Mais OUI !

 

PIECE JOINTE : accidentologie moto du Gard (2020 - 1er juillet 2022)

 

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