KTM RC 490 : confinement, con fini, Confucius

La RC 490... de ma création

   Dans le sud de la France, l'été n'est jamais très loin. Derrière les carreaux de la fenêtre, à l'abri du mistral qui, tout à la fois, glace l'air et dissipe la couverture nuageuse ; le bleu intact du ciel s'étale. L'arrivée de la belle saison n'est ni une chimère, ni un rêve ; c'est une promesse assurée. Je rêvassais en suivant les oscillations d'un if pris dans les serres invisibles du vent chaotique quand j'ai eu une fulgurance : « La Covid19 t'a volé une année de vie au guidon, la piste te permettra de la rattraper par l'intensité des sensations que procure le pilotage. »

  De la fenêtre à l'écran, il n'y a qu'un pas. J'enfile un casque intérieur. Je devient insensible aux tentations extérieures. Je dois trouver la moto de piste qui sera en accord avec l'impossible défi du développement durable. Je me place en mode consommateur responsable. Il s'agit de dégoter une sportive européenne qui gaspille le moins possible de ressources naturelles au tour ; le tout dans un « budget contenu » comme il est coutume de le lire dans la presse spécialisée.

  Au fil des pages, des grilles d'analyse, des vidéos test, une machine sort du lot : Marie-Antoinette ! J'ai toujours eu un faible pour cette princesse devenue reine par un heureux mariage avec Louis devenu XVI. Cette reine qui, une fois sortie de son Versailles, a fini décapité sur la place de la Révolution au terme d'un procès lamentable qui illustre une fois encore que la justice n'est que le bras armé d'un discours sensible et de circonstance qui se prend pour un jugement rigoureux et définitif.

  La KTM 390 RC est une mini sportive développée par le groupe autrichien qui conçoit du moteur au tempérament affirmé emprisonné dans un cadre en treillis peint en orange. A bord, la vie est sans répit. Le souvenir que je garde de la 990 est celui d'un engin dont il faut s'occuper. Le confort est spartiate mais on l'oublie vite tant l'attention est focalisée sur la gestion de la boite aux rapports trop courts pour un moteur si volontaire. En deux mots comment en trois lettres, la KTM pousse au crime. C'est sans doute pour cela que la firme a cessé de produire des sportives de grosse cylindrée après le succès du bicylindre de la 1190 RC 8-R.

  Le 390 RC, lancée en 2014, possède l'ADN de son illustre aïeule. Sous le carénage acéré, un monocylindre développe près de 44 chevaux pour s'offrir aux détenteurs du petit permis A2. Il tracte les 140 kg de l'orange avec vivacité. Ce bon rapport poids / puissance est associé à un châssis assez vif pour permettre des entrées de virage typées Moto3 à savoir très vite et bien bas. Ô joie !

  Sur le prospectus, la RC 390 possède de quoi réjouir tout amateur de circuit court et plan. Sa géométrie est dédié au funambulisme sur départementale. De plus, elle est avare en pétrole et use les consommables avec parcimonie. Les fabricants de pneumatiques commercialisent des enveloppes sportives en 110/70 et 150/60 pour jantes de 17. La monte complète en Michelin Power Cup Evo, en Bridgestone Battlax Racing R11 se négocie autour de 280 euros. Les Pirelli Superbike sont plus chers d'environ 70 euros.

  Vendue à plus de 6000 euros, la 390 RC est une machine importée hors UE. En effet, elle est assemblée en Inde. Comme tous les constructeurs de deux roues, la société autrichienne s'est alliée avec des entreprises asiatiques. Aussi, la firme orange a-t-elle lié son destin au groupe Bajaj établi près de Mumbaï (Inde occidentale) et CF Moto, société chinoise fondée en 1989 par Guogui Lai près de Shanghai. A choisir entre la plus grande démocratie du monde vérolée par la lutte des castes et la première dictature impérialiste du monde, je préfère le sous-continent indien. D'ailleurs, la biographie du fondateur de Bajaj a de quoi séduire tout Occidental un peu humaniste puisque Jamnalal Bajaj a été un enfant adopté qui, adulte, s'est engagé aux côtés de Gandhi. Son épouse et lui ont même été incarcérés pour leur participation au mouvement de désobéissance civil dans le cadre de la lutte pour l'indépendance. La galerie de photos du site de Bajaj est un album familial digne d'un philanthrope engagé. Le choix du Bourdon nippon est arrêté : il roulera aux côtés du Mahatma !

  Sûr du véhicule, je m'engage dans une simulation de budget piste sur internet. Le Bon coin livre son lot d'occasions récentes à moins de 4000 euros. Tous les millésimes se ressemblent à une exception près : la ligne d'échappement est placée hors du sabot moteur à partir de 2016. Puis, je découvre l'onglet Ready to race (« prêt pour la course ») du site officiel du constructeur orange. C'est un catalogue de pièces racing spécialement conçues pour métamorphoser sa 390 RC en pistarde en deux tours de clé dynamométrique. Il ne manque que quelques pièces indispensables comme le carénage avant et son araignée. Tout est mis à disposition de l'amateur de circuit par KTM : commandes reculées, ligne d'échappement, protection de carter et même selle en mousse. Les prix sont abordables. Des sites spécialisés offrent de quoi compléter l'équipement de la 390 RC comme EspritKTM, MegaserviceShop et surtout AVSmoto. Le poly piste vendu par Racing Composites implanté sur le circuit d'Alès (Gard) semble tout à fait recommandé. Plus les pages défilent et plus la liste s'allonge ; et plus cette liste s'allonge et plus le retour en circuit prend forme.

  Avant d'atteindre le nirvana, je passe par la case philosophie chère au Bourdon nippon. Sur l'exemple de Gandhi, je réfléchis avant d'agir et, nouvelle fulgurance, je me plonge dans les dernières annonces de KTM. Malheur et bonheur à la fois ! La société annonce la conception d'une KTM 490 RC dotée d'un bicylindre de 50 chevaux conçue dans le même esprit racing pour 2022 ! Ma quête est finalement couronnée de succès et ma recherche sur la 390 semble vaine. J'ai l'intime sensation d'être un con fini désormais pendu au calendrier. Et pourtant, Confucius aurait écrit que « le but, c'est le chemin ». Confucius... Un Chinois.

Bajaj et le mahatma Ghandi (site Bajaj Inc.)